Les fougères et les orties comme insecticides contre les pucerons et cicadelles, sans nuire aux abeilles

La fougère a essaimé en grosses touffes un peu partout dans le jardin, exubérante, verdoyante, luxuriante, d'une rusticité, d'une sobriété et d'une santé à toute épreuve, rien ne semble pouvoir altérer son beau feuillage : les parasites la snobent et ne veulent pas la fréqenter ! Je l'utilise en décoction à 10% sur d'autres végétaux dont les rosiers qu'aimeraient coloniser les pucerons ou les cicadelles ("crachats de coucou"). J'ai amélioré l'effet immédiat des dernières pulvérisations effectuées, en y ajoutant très peu d'huile d'olive et de savon noir liquide. Non que la décoction de fougère pure n'était pas efficace, elle suffisait au trépas des pucerons, mais l'ajout d'huile et de savon permet de décrocher les parasites et de débarrasser les branches de leur miellat.

Dans certains cas, les attaques de pucerons peuvent avoir des conséquences redoutables, notamment sur les arbres fruitiers (je surveillerai avec une attention particulière les jeunes arbres que nous planterons à l'automne prochain) . Ces dégâts peuvent être maîtrisés sans avoir recours au pyrèthre, dont l'action atteint  indifféremment tous les insectes, et serait sûrement fatale à nos jolis poissons insouciants dans leur bassin. Même labellisé "Bio", le pyrèthre est à proscrire d'un jardin respectueux de l'environnement. 

Ne présentant de danger que pour notre cible, qu'en est-il de la fougère aigle, réputée pour son action anti-puceron ? Une vérification de son efficacité a été conduite par le GRAB (Groupe de Recherche en Agriculture Biologique) qui mène des essais sur différentes plantes, en partenariat par le Jardin botanique de Lyon et le  magazine Les 4 Saisons du jardin bio, ce dernier ayant proposé à ses lecteurs de tester le purin de fougère dans leur jardin. 

Protocole de l'expérience :

Une trentaine de lecteurs ont participé à cette expérimentation, dont une dizaine sont allés au bout de la démarche et ont communiqué leurs résultats. Pour faciliter la comparaison des résultats ("toutes choses égales par ailleurs ..."), les participants ont tous utilisé le même purin, fourni par Jean-Claude Chevalard, “orticien” (producteur d’extraits fermentés). La préconisation était de pulvériser le purin de fougère dilué à 10 % (dans de l’eau non traitée) dès la présence d’une pullulation de pucerons, et d’observer les résultats à 1, 3 et 7 jours. Les plantes les plus attaquées ? Au jardin d’ornement, les rosiers. Plus rarement, géraniums, seringats (Philadelphus), cotoneasters. Au potager : choux, haricots, fèves... Et au verger, les cerisiers, pommiers et pruniers.

Résultats de l'expérience :

Le purin de fougère a démontré une réelle efficacité, observable dans la plupart des cas au bout de 3 à 7 jours, quels que soient les pucerons traités (la plupart du temps, pucerons noirs ou pucerons verts). Certains jardiniers ont cependant noté qu’il leur avait fallu plusieurs traitements, à une semaine d’intervalle. Quelques expérimentateurs ont également utilisé le savon noir en complément, avec succès : un traitement à répéter à chaque apparition des colonies de pucerons. 

Quant au jardin botanique de Lyon, il a également conclu à l’efficacité du traitement, « de l’ordre de 85 %, aussi bien sur puceron vert que noir », selon Noël Poyet, responsable du jardin. « Nous avons effectué une application avec du purin de fougère fin février sur différents petits foyers de pucerons présents dans nos serres chaudes » explique-t-il.  « Trois plantes étaient infectées : Calliandra et Hedychium horsfieldii (pucerons noirs) et Calanthe aurea(pucerons verts). La grande difficulté pour apprécier l’état de mortalité réside dans le fait que les parasites restent sur le végétal, alors qu’avec un produit classique, ils se détachent, ce qui donne un indice pratiquement immédiat sur l’efficacité du traitement. D’après nos observations, nous avons situé le temps de réponse entre 5 et 10 jours à partir de la pulvérisation. » 

Qualité de la recette :

Fabriquez vous-même votre purin de fougère, en suivant ces quelques indications et en utilisant de préférence la fougère aigle, que l’on trouve en forêt.Le purin se prépare selon les mêmes règles que le purin d'ortie  : 1 kg de feuilles dans 10 litres d’eau de pluie, mis à fermenter durant une dizaine de jours. Veillez à remuer une fois par jour environ. Filtrez pour conserver dans un bidon, au frais et à l’obscurité. 

Personnellement, je me limite à l'usage de la décoction de fougère (et non du purin) de fabrication beaucoup plus rapide pour la même efficacité insecticide : je fais simplement bouillir 1 L d'eau filtrée que je verse sur 10 grammes de feuilles fraîchement cueillies et hachées. Je mets la mixture sur le feu en laissant frémir (mais pas bouillir) pendant 10 minutes. Hors du feu, et couvert, à l'abri de a poussière et de la lumière, je laisse ensuite macérer pendant 24h. Puis je filtre, je transvase alors dans un vaporisateur dans lequel j'ajoute 1cc d'huile d'olive bio + 1 cc de savon liquide (savon noir traditionnel ... qui n'est pas noir !). Et je mélange bien avant de pulvériser sous le feuillage, à la tombée du jour. Le rosier Astronomia s'en est très bien porté dés le lendemain. Pour les agrumes en pot, j'ai du renouveler les pulvérisation deux ou trois fois. 

A savoir : en ajoutant une décoction d'ail à 10% dans ce mélange (1/3 ail / 2/3 fougère), on obtient un insecticide fongicide. C'est ainsi que j'ai traité l'abricotier nain. Après trois semaines de pulvérisations hebdomadaires, ses feuilles ont un peu moins tendance à s'enrouler, je vais poursuivre ce traitement. C'est un réel plaisir de savoir qu'il devient parfaitement inutile d'acheter les préparations du commerce, polluantes et onéreuses. Dans mon jardin, la fougère ne manque pas, l'ortie non plus (utilisable exactement de la même façon et dans les mêmes proportions) et même les feuilles de rhubarbe (qui sont toxiques non seulement pour les pucerons mais pour nous aussi et ne doivent strictement être employées que sur les végétaux d'ornement). Un plaisir et des économies ... et cela sans polluer la terre, sans tuer les insectes butineurs, sans inspirer de poison ... que vouloir de mieux ?