Une silencieuse prière d'espoir

Loin du monde, comme d'habitude. C'est depuis des années notre choix de vie, à présent devenu impératif covidesque. Après une quatorzaine volontaire et absolue -oui, un confinement total, de notre plein grè, dès le retour des USA de notre fille - une simple promenade devient un plaisir précieux.

La petite forêt de chênes et feuillus qui domine le village est toute fleurie de jacinthes sauvages : un parterre naturel de bluebells ...

Heureuse autant que nous, Lola laisse son flair la conduire là où sont passés écureuils, lapins, hérissons, daims, corneilles, faisans et toute la faune habituelle des bois. Mais elle ne s'éloigne en aucun cas.

Dans notre région, l'hiver est généralement assez froid. Du fait, plutôt casanière, je ne me suis pas promenée dans ce bois depuis des mois et des mois. Ce dimanche je m'y retrouve avec un plaisir d'autant plus grand que Lucie y est en notre compagnie, en sécurité.

La vie sauvage sollicite nos sens : sons, parfums, couleurs ... tout provoque à la fois l'ouverture et le repli sur soi, dans ce lieu de recueillement et de communion, dans cette cathédrale de verdure.

Lucie profite de cette première sortie dominicale pour observer, écouter, photographier, enregistrer et s'amuser. C'est le dimanche de Pâques. Sans agneau sacrifié ni chocolats auquels nous préférons la redécouverte du bois, le chant de la Nature, la belle messe sylvestre.

Ces derniers jours, nous nous sommes dits assez souvent que nous ne sommes pas à plaindre dans l'actuelle situation de confinement. La quarantaine implique un mode de vie sobre, quelques renoncements et une simplicité volontaire à laquelle nous souscrivions déjà.

Chacun de nous porte son propre regard sur la pandémie présente : la pensée de Chris mathématise et ancre dans la réalité ; celle de Lucie écologise pour faire de l'avenir un projet ; la mienne humanise en imaginant une meilleure société. Entre nous, nous échangeons parfois nos pensées... Evidemment, cette situation nous perturbe.

La Nature aussi prend part à la conversation : de tous ses points de vue, c'est le printemps !  Il suffit de se baisser, d'ouvrir les yeux, de respirer. Depuis qu'un con fini -incapable de rassembler dans la paix- a martelé  "nous sommes en guerre" ces mots résonnent dans l'esprit de ceux qui se les sont appropriés comme une réalité. Mais ces mots ne sont pas les miens, ne m'appartiennent pas, ne rejoignent pas ma pensée ni ne se conforment à mon environnement. C'est seulement - et incroyablement- le printemps ...

Très présente en lisière de forêt où elle forme de splendides tapis bleutés, la jacinthe des bois dégage un parfum doux et apaisant qui célèbre le printemps. La jacinthe est la fleur du dieu du soleil Apollon et symbolise la paix, le dévouement et la beauté, mais également le pouvoir et la fierté. Dans les églises, on retrouve souvent la jacinthe dans la signification de bonheur et d'amour. A partir du XVIe siècle, la jacinthe est la fleur de la prudence, et le symbole de la miséricorde de la Vierge. Aujourd'hui, la jacinthe exprime la joie d'aimer, la fidélité, et s'offre pour toutes les occasions mais tout particulièrement "comme une prière silencieuse d’espoir".

Jacinthe

La Jacinthe et ses Significations La jacinthe est une jolie plante vivace pour climat frais, considérée auparavant en relation avec le lys mais qui maintenant fait partie de la famille des liliacées. Poussant à l'état sauvage dans certaines parties de l'Iran et du Turkménistan près de

https://www.significationdesfleurs.com

Il y a aussi cette jolie fleurette mauve, que je n'ai pas réussi à identifier de prime abord, présente en multitude et qui s'avèrera être une pervenche. Elle a la forme d'un égrégore à cinq branches. Un égrégore "agit comme un accumulateur d'énergies, nourri par les sentiments, les désirs, les idéaux ou les peurs de ses membres. Plus ces derniers sont nombreux, plus l'égrégore se renforce jusqu'à influencer leurs existences". Puisse le lecteur qui passera sur ce blog partager mon idéal de paix, mon désir de bien-être et mon sentiment de sérénité. Quoi ? Un virus ! Il y en aura d'autres, affirme Lucie qui est docteur en écologie, du fait que nous avons détruit les écosystèmes où ils étaient épars, les retrouvant ainsi concentrés dans le milieu humain. Nous ne sommes pas en guerre mais nous traversons des circonstances difficiles qui obligent à une prise de conscience, à un ajustement urgent de nos actes.

Qu'est-ce qu'un égrégore ?

Conscience - Nous connaissons l'inconscient collectif, la mémoire collective ou encore les archétypes décrits par Jung. De bien des manières, nous nommons déjà ce phénomène mal connu et pourtant inscrit en nous : l'égrégore. Mais si nous sommes capables de générer ensemble cette conscience partagée, elle aussi a le pouvoir d'agir sur nous...

https://www.inrees.com

L'ortie est en fleurs ... L'ortie est une plante utilisée depuis la nuit des temps pour ses propriétés médicinales. Son cocktail ultra nutritif en fait un super aliment qui pourrait nous dispenser de consommer de la viande tout en renforçant nos défenses naturelles. Elle prospère en lisière des forêts et à proximité des habitations. Rassurante, ellle exprime l'abondance et la vitalité. Le "petit monde secret de l'ortie "est un véritable écosystème, plus de 30 espèces d'insectes lui sont inféodés.Cela signifie tout simplement que si l'ortie venait à disparaitre, alors ils disparaitraient aussi. L' Ortie est le symbole des milieux riches et fertiles, elle est notre mémoire car même si l'homme cesse ses activités, elle persiste sur le site. Depuis que les Autorités ont interdit les extraits fermentés, l'ortie est devenue le symbole de luttes, aussi variées que celles contre le tout industriel, la marchandisation à outrance, l'uniformisation des modes de penser (culturels et agri-culturels), ou les dérives hygiénistes de sociétés dont la modernité flicarde peut légitimement faire aussi bien peur que sourire ! De ces luttes on devine rapidement les enjeux : préserver des libertés aussi fondamentales que celle de se soigner ou de cultiver son jardin comme on l'entend en conservant un environnement dans lequel pourront évoluer les générations futures .... Bref préserver l'indépendance de chacun avec la liberté d'être !

Les Anglais appellent cette herbe Cows Parsley : le persil  des vaches ... Il s'agit en fait du cerfeuil sauvage ou persil des bois (Anthriscus sylvestris) typique de la chênaie où nous nous promenons, au bout de notre petit village. La racine de cette plante est abortive. Les jolies inflorescences rayonnantes en forme d'ombelle nous invitent à réfléchir à l'ahurissante question de notre démographie galopante.

Cerfeuil sauvage

Anthriscus sylvestris , l' Anthrisque sauvage, encore appelé Cerfeuil sauvage ou Cerfeuil des bois, est une plante herbacée bisannuelle ou vivace (parfois annuelle) de la famille des . Le nom scientifique anthriscum désignait le cerfeuil sauvage.

http://wikipedia.org

Lola, le nez au vent, ne s'éloigne jamais trop du trio solitaire que nous formons. Notre amie, régulièrement, se retourne et nous attend. "Big Mother" veille sur nous, très fidèlement, si loyalement.

Ce tableau idyllique de campagne anglaise où nous nous trouvons  aura fait envie, en ce dimanche de Pâques, à plus d'un citadin britannique. Nous l'apprendrons plus tard. La Police, barrant les routes environnantes, fera faire aux automobilistes demi-tour vers les grands centres urbains  -mais avec pédagogie, sans les verbaliser !

Sur 88000 cas de coronavirus confirmés dans le Royaume-Uni, 206 le sont dans notre région dont l'espace géographique et la densité démographique permettent d'éviter beaucoup plus facilement la proximité avec autrui. Paradoxalement, la France avec une densité démographique (119 habitants /km²) bien moindre qu'au Royaume-Uni (281 habitants/km²)  compte malheureusement davantage de morts (15000 décès en France et 11000 décès au Royaume-Uni).

Et pourtant, le confinement de la population a été instauré en Angleterre plus tard qu'en France. Mais des mesures avaient été prises par le gouvernement britannique, bien avant la quarantaine obligatoire, qui n'ont jamais eu cours en France (traçage des premiers cas avec  isolation de tous leurs contacts, protection accompagnée d'aides pour la population sensible, fermeture des bases de loisirs et centres touristiques, autorisation d'absentéisme pour les salariés avec maitien de 80% du salaire, etc.).

Voyant ma fille détendue, bien qu'ayant été très brutalement arrachée à sa vie américaine, je ne peux m'empêcher d'être profondément soulagée de la savoir en Angleterre plutôt qu'en France. Ici, on responsabilise, tandis que là-bas, on réprime !

En France vivent des personnes qui me touchent de près, auxquelles je tiens beaucoup. Et je suis profondément triste et inquiète de savoir qu'il règne dans ce pays un climat de souffrance sociale, jugulée par une loi liberticide, coercitive, infantilisante et humiliante, arbitrée par un gouvernement défaillant et despotique. Même de loin, ça fait mal ... Notre belle démocratie dérive, déraille, chavire !

Le climat social est ici très différent. Le ton a été donné dès le départ par le premier ministre britannique, Boris Johnson, qui enjoignait tout un chacun de faire comme s'il était contagieux en ne s'approchant pas des autres pour ne pas les mettre en danger. Cet appel à la bienveillance de la population, au bon coeur, a bien été entendu. Et ce, d'autant mieux que les membres du gouvernement montrent l'exemple en matière d'humanité. C'est ainsi que le ministre des finances, venant prêter main-forte aux petites associations locales, exprimait sa volonté qu'au sortir de la crise sanitaire -qui aura choqué les esprits- chacun puisse aussi se souvenir d'une main tendue, d'une aide offerte, d'un soutien apporté, d'un geste de réconfort qui l'aura aidé à aller de l'avant en ces jours difficiles. Ces mots m'ont touchée parce qu'ils tendent à fortifier (et non pas à affaiblir ceux qui sont déjà tourmentés par l'épreuve actuelle).

Exemple anodin, mais personnel, bien avant le confinement obligatoire j'avais moi-même spontanément décidé de différer mon rendez-vous chez le coiffeur. Bien avant que l'activité des coiffeurs soit suspendue par l'Etat. Et bien que ce soin mensuel représentait pour moi l'entretien d'une certaine image de jeunesse, le maintien de mon apparence sociale -auxquelles il me semblait beaucoup tenir.

Privés de coloration bien avant le confinement, mes cheveux dessinent une couronne blanche à laquelle je ne me suis pas encore habituée et que je trouve moche. Pour autant, je ne regrette pas mon abstention et j'accepte même que quelques photos soient prises. Visage et cheveux nus, la réalité toute crue, rien n'entame l'importance d'être ensemble quand les frontières ont été fermées.

D'ailleurs, même si ça m'est encore difficile à envisager, il est possible que mes cheveux restent blancs à jamais. L'idée fait son chemin depuis que je l'ai soumise à mon mari et à ma fille. Le seul problème qui subsiste, c'est vis-à-vis de moi-même. Je ne veux pas abdiquer, je veux surmonter, dépaser, passer outre. Je cherche un passage dans mes résistances où me faufiler, me construire une nouvelle volonté autant d'ailleurs qu'une nouvelle image et l'assumer.

Préoccupation futile ? Sans doute (ce qui ne l'empêche pas d'être).

Le présent, fait d'instants heureux, est aussi lourd de questions (celle de la couleur de mes cheveux n'est certes pas la plus importante). Pour le moment, l'heure est à se dégourdir les jambes. Bien qu'une promenade quotidienne en famille se trouve autorisée par les modalités du confinement britannique, nous n'en profiterons vraisemblablement qu'une fois par semaine (raisonnablement, comme la plupart des gens d'ici...). Lucie télé-travaille tous les jours.

Pendant que la Chine confectionne des masques, que l'Allemagne fabrique des respirateurs, que l'Angleterre prépare un vaccin et que tel autre réalise des tests, la France produit des ATTESTATIONS ...  Cette aberration sinistre entrave ma marche, me tord les chevilles et le ventre. Aussi je la chasse de mes pensées juste pour un instant...

Alors, pas de danse, pas de transe ou pas de chance : on en profite !

Les meilleures choses ont une fin. Et cette promenade du dimanche de Pâques aussi (qui avait un goût de permission exceptionnelle, bien qu'autorisée par les mesures sanitaires à partir du moment où l'écart physique entre les personnes est strictement respecté).

La fin d'après-midi ne dure pas longtemps, le bois est juste au-dessus de chez nous, nous n'avons pas rencontré âme qui vive (mais je ne veux parler ici, bien sûr, que de la simple présence humaine).

On voit, en bas dans la vallée, sous un fin ruban de mer, notre petit village au pied du bois. Personne n'y approche personne mais tout le monde continue, à distance, à se parler, se saluer, s'aider, à échanger. On est loin de l'anonymat, de l'indifférence générale et des relations impersonnelles de la ville. C'est depuis des années notre choix de vie (comme je le disais, d'entrée). Le confinement, dans la maison où nous vivions déjà volontairement plutôt reclus, n'a pour nous rien d'inédit (sauf le rythme des achats alimentaires que nous avons énormément espacés  : tous les dix jours plutôt que tous les deux jours) puisque la plupart du temps, le jardin suffit à nos sorties.

Comments

[Christine]

Quelle belle promenade! Merci pour ces images et ces mots. Mon mode de vie en France n'est pas dissimilaire au vôtre et je partage beaucoup de vos points de vue. Après plus de 25 ans en Angleterre, ma région sauvage en France (le Forez) me manquait, d'où ce retour. Mais ô combien je déteste l'administration française ! Malheureusement, pas moyen d'importer les lois et attitudes anglaises en France ou ma région en Angleterre, et mon coeur balancera toujours.