Pastelle, ex-chatonne errant sur un toit de Toulouse

Les comportementalistes animaliers s'accordent à dire que les trois premiers mois de la vie d'un chat sont déterminants pour son comportement futur. Pastelle leur donne raison. Petite femelle d'une portée de quatre chatons nés sur un toit d'immeuble, elle en était l'une des deux seules survivantes. Ces photos datent du 22 août 2012, Pastelle n'avait alors que cinq mois. Retenue par une gouttière, elle regardait en bas en rêvant ...

Pastelle rêvait de ne plus être un félin sans famille. Aussi regardait-elle avec envie, dans une cour du rez-de-chaussée, une autre petite chatte jouer sur un "arbre à chat". Malgré son nez en sang, Pastelle voulait ignorer qu'elle était maintenant  rejetée avec violence par sa mère. Cette dernière supportait des gestations à répétition, aggravées par la faim des mères qui n'ont déjà pas assez pour se nourrir et doivent pourtant alimenter leurs petits. Comme sa mère, comme sa soeur, Pastelle était un chat errant.  Elle n'était pas un de ces chats heureux, comme la chatte du rez-de-chaussée, qui peuvent entrer et sortir de leur maison à volonté : un chat errant n'a pas de maison. Il doit rester dehors, qu'il pleuve ou qu'il vente, même s'il crève de froid parce qu'il gèle sur sa fourrure trempée. Après avoir connu dès sa naissance cette épreuve due à un hiver rude qui traînait en longueur, Pastelle connaissait à présent la souffrance de marcher sur un toit brûlant en cet été caniculaire.

Un chat errant ne peut guère sortir au grand-jour sans prendre des risques considérables. Il vit dans la peur permanente, la faim le tenaille, son espérance de vie excède rarement 5 ans. Un chat errant survit comme il peut durant une existence écourtée et dangereuse. Le chat errant urbain se trouve sans doute dans une misère encore plus grande que le chat errant rural. En ville, pour un chat sans propriétaire, tout est dangereux : la circulation automobile, les rafles de la fourrière, les maltraitances multiples dans certaines zones de violence permanente où les chats sont torturés pour le plaisir, les virus mortels, les chiens, etc... Ne vivant que sur les toits, Pastelle se soustrayait à un certain nombre de ces dangers : voitures, chiens, fourrière n'étaient pas pour elle des menaces immédiates. Mais il lui fallait pourtant descendre du toit pour trouver sa nourriture ...  Un chat errant adulte d'environ 3,5 kg doit ingérer 100 à 300 g de nourriture par jour (pour information une souris pèse en moyenne 30g). Il va sans dire qu'en ville, s'il ne fait pas les poubelles et ne trouve aucun "nourrisseur" sur son territoire, un chat errant aura tôt fait de mourir de faim. Une voisine compatissante déposait sous sa fenêtre un bol de croquettes sur lequel les mouches se pressaient car la poubelle collective de l'immeuble était toute proche ... encore fallait-il savoir fuir devant le coup de pied vengeur et assassin de William, l'homme chargé de l'entretien de l'immeuble, qui était exaspéré par les crottes de chats : un chat errant adopte une méfiance naturelle et définitive à l'égard des humains ! 

Un chat errant et libre n'est-il pas plus heureux qu'un chat d'appartement ? Nombre de personnes ont en tête une image romanesque du chat errant bagarreur et coureur de minettes, amoureux bruyant, explorateur de poubelles, voleur de nourriture, fainéant, profiteur et sournois. Un prince du bitume en quelque sorte, un roi de la cour des miracles à n'en pas douter. Rien n'est plus éloigné de la réalité. Le chat errant urbain n'est pas un animal sauvage indépendant profitant de sa liberté, c'est une victime, un misérable, et tu peux parier que, s'il avait le choix, il abandonnerait immédiatement cette vie d'errance pour le confort d'un appartement douillet, même s'il doit pour cela faire une croix sur sa pseudo-liberté. C'est ainsi que Pastelle est entrée dans notre existence. La seule chose qui lui a visiblement coûté aura été le fait de quitter sa mère, son désespoir était évident, manifeste ... Mais il n'y a eu aucun moyen de lui éviter ce déchirement et il aura fallu la garder en laisse pour l'empêcher de repartir sur les toits avoisinants.

Est-ce parce qu'il avait lui-même été trouvé un an auparavant que Djé s'est montré si gentil avec Pastelle ? Sauf qu'en ce qui le concerne, Djé n'était pas un chat errant mais seulement et tristement un chat perdu.

Deux semaines après son installation provisoire, car je n'étais que de passage à Toulouse, Pastelle avait enfin un poids normal, une robe saine et douce (traitements anti-puces + levure de bière). Elle avait aussi découvert la nourriture humide (pour elle c'était plus beau qu'un rêve), le confort des coussins, le moelleux des tapis, le sentiment d'être choyée et protégée et des jouets, des jeux, un arbre à chat, le paradis quoi ! Cette sieste proche de Djé a eu lieu le 10 septembre 2012;