Le Faisan de Colchide (Phaesianus colchicus)

Un visiteur aussi splendide qu'inattendu nous a enchantés ce dimanche après-midi. Revenant de la petite serre pour me préparer un café et rouler une clope (les deux items d'une de mes classiques petites pauses ...) , Chris près de moi, a le premier remarqué un grand oiseau juste devant la fenêtre de notre cuisine.

La température aujourd'hui était douce (11°C) et après ces derniers jours de pluie et de tempête, la douce accalmie a peut-être incité ce bel oiseau à venir nous rendre visite ...

Curieux, le magnifique faisan a jeté un coup d'oeil vers la petite fenêtre des (futures) toilettes sèches. Il s'est aussi intéressé au thermomètre, comment voulant vérifier cet incroyable beau temps. Bref, il ne se montre pas craintif du tout dans ses investigations ...

Depuis la fenêtre de la cuisine, Chris le photographiait. Après avoir un peu baissé le ton de nos voix, nous nous sommes remis à parler de notre façon ordinaire. L'oiseau s'habituait à nos sons et même le grincement de la fenêtre que nous ouvrions de plus en plus grand ne semblait pas le dérangeait : il avait seulement l'air de plus en plus intéressé par notre présence.

Je n'ai pas résisté au plaisir, à mon tour, de le photographier. Sublime, comme échappé d'une "nature morte", chatoyant de couleurs intenses, l'oiseau me regardait. J'ai eu alors l'idée de lui lancer par la fenêtre quelques morceaux de pain. Appréciateur, il ne les a pas refusés !

Mais bien vite, il nous a montré sa préférence pour les graines d'un fuchsia déclinant après l'hiver. La beauté de ce faisan, pourtant un oiseau local, a un je-ne-sais-quoi de très exotique. Il est vrai qu'importé depuis des siècles sur tous les continents (au IXe s. en Europe) il est cependant d'origine asiatique. 

Il est resté là, plutôt intrigué par nos présences qu'intimidé. Presque familier. Lorsque je suis sortie de la maison pour retourner à mes occupations dans la petite serre, il est venu en marchant à ma rencontre. 

J'avais déjà, en fait, entendu ses cris puissants (très puissants) mercredi soir dernier, mais sans le voir. Et Chris l'avait entendu, entendu aussi son "rire" remarquable, hier soir. Mais aucun de nous deux ne l'avait jamais vraiment distingué (et encore moins vu de si près). 

Chris a filmé l'oiseau : apprécier la beauté de l'oiseau, mesurer sa familiarité - d'emblée - et sa faculté d'anticipation, emboîtant le pas de Chris :

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L'intérêt de ce magnifique faisan pour notre jardin, pourrait bien être le souvenir de sa compagne - dont inexpliquablement, l'aile arrachée se trouve à l'entrée de notre jardin. Un renard ? La tempête ? Nous l'ignorons. Mais Monsieur Faisan est seul dans son digne veuvage. Ceci dit, le Faisan de Colchide, Phaesianus colchicus, appelé aussi Faisan Commun est polygame, son superbe plumage attire les femelles et son harem peut compter jusqu'à dix-huit "concubines". Il est vigileant envers ses femelles, les protégeant des prédateurs et des autres mâles.

Il a apprécié les noisettes bio offertes par Chris puis il est resté près de moi à me regarder travailler. Jusqu'au moment où il s'est enhardi à vouloir pénétrer dans la petite serre où je me trouvais. Je lui ai refusé l'accès en raison du ciment encore liquide sur le sol. Je crois qu'il s'est un peu vexé : il est parti. Toujours à pied, en marchant d'un pas résolu ...

J'espère que notre nouveau copain reviendra encore nous visiter et qu'il acceptera encore de notre part quelques petits cadeaux. Il m'a touché par sa familiarité, son doux bavardage, sa présence belle et décidée. De la magie dans notre jardin ! Aussi, je regrette de n'avoir pas signé à temps une pétition qui circulait l'année dernière et demandait au gouvernement Britanique d'éliminer les subventions octroyées aux élevages intensifs d'oiseaux élevés pour être tirés et une interdiction immédiate de la production en masse d'oiseaux pour «tirs sportifs».  En effet élever des oiseaux dans le but qu'ils servent de cibles vivantes est une chose cruelle. Or l'élevage des faisans en Grande-Bretagne est assez répandu et représente un business de plusieurs millions et produit environ 35 millions de faisans par an (mais aussi des millions de perdrix). Les faisans élevés de façon intensive font l'objet de mutilations douloureuses et se voient administrer une gamme de produits pharmaceutiques dans le but de lutter contre le stress et les maladies qui découlent inévitablement de telles conditions de vie. La majorité de ces oiseaux serviront à la chasse aux faisans qui commence à la mi-aout en Grande-Bretagne, on sait qu'une grande partie de ces oiseaux ne sont même pas tués pour être mangés, mais pour le "plaisir" de tirer. L'année prochaine, en août, je signe ! ! ! ... (promesse mentale faite au faisan cet après-midi) et tant pis pour les chasseurs qui le considèrent comme "le roi du gibier à plumes".

Lundi 17 février 2014 - Vers onze heures, je sors laver des cailloux. L'oiseau - que je surnomme Arthur - apparait après avoir fait entendre son cri si caractéristique. Seulement voilà ... ni la biscotte prévue pour lui, ni la tranche de pain ne semblent le satisfaire. Penchée sur  le bac de cailloux, je le vois à plusieurs reprises prendre une posture agressive et tenter de me donner des coups de bec dont je me protège avec un bâton pour le tenir à l'écart. Je rentre à la maison, talonnée, escortée par Arthur qui a l'air déterminé à y entrer avec moi, en me faufilant vivement par la porte de la buanderie ... Etrange, non ? Une rapide recherche sur internet m'apprend que le Faisan Vénéré est anti-social et agressif avec les humains, mais rien de tel n'est mentionné concernant le beau faisant de Colchide. Rien, sauf ceci : Yorkshire, Grande-Bretagne - En 2010, pendant quelques mois, la population du village de Newsham est terrorisée par les attaques sournoises d'un faisan. Hommes, femmes, enfants, bicyclettes, rien ne semble pouvoir arrêter l'animal. Le faisan va même jusqu'à poursuivre les enfants quand ces derniers descendent du bus pour aller à l'école. En savoir plus: http://www.gentside.com/attaque/en-angleterre-un-faisan-attaque-des-villageois_art10247.html  Une des victimes de l'oiseau, Sonia Hall, 65 ans, explique qu'elle se promenait dans la rue avec son petit-fils quand le faisan l'a attaquée. Elle a tenté de se défendre en lui assénant des coups, mais l'animal ne s'est pas laissé faire. Selon Lyndsey Waddell, présidente du comité national des gardes-chasse, "le faisan ne ferait que protéger ce qu'il considère comme étant son territoire". Certains villageois avancent une autre hypothèse, un peu plus fantaisiste : le faisan viendrait venger ses comparses, tués par les chasseurs. Il est certain que l'aile trouvée à l'entrée du jardin était celle d'une poule faisane. Alors, aurais-je affaire à un faisan vengeur qui m'incrimine dans la mort de sa poule ? :) (photo ci-dessous, trouvée sur internet, me confirmant l'appartenance de l'aile trouvée).

Les animaux sauvages ne sont généralement pas dangereux pour l’homme. Mais il existe chez les animaux un code et un langage à respecter. On ne fera jamais de gestes brusques ou agressifs selon lesquels l’animal se sentira menacé et pourrait réagir de manière imprévisible. Le mieux est de se tenir debout, ne pas bouger et observer sans avoir peur la splendeur majestueuse de l’animal. Il est vrai que "mon" faisan ne se montre agressif que quand je suis occupée à agiter et secouer les cailloux pour les débarrasser de débris divers. Est-ce mon "agitation" (physique) qui agace Arthur ? Sa faisane disparue ? Ou son sens du territoire ? Apparemment, les faisans mâles (les coqs) sont toujours un peu batailleurs et ce tempérament querelleur est décuplé au printemps quand les jours qui rallongent et la lumière de plus en plus présente agissent sur l'hypothalamus, qui lui-même transmet ces informations sur le temps qu'il fait à l'hypophyse, qui la répercute à de nombreuses glandes endocrines. En clair, les coqs sont titillés par leurs hormones. Leurs couleurs deviennent plus vives. De petites plumes vertes et brillantes leur poussent, comme des oreilles, et renforcent leur pouvoir de séduction.  Les coqs se battent pour s'attribuer un territoire. Les vainqueurs, les plus costauds, sont fiers de leur victoire et affirment leur présence en chantant dès le point du jour. Ils se pavanent, battent bruyamment des ailes et sont agressifs envers tous ceux qu'ils considèrent comme des intrus. Ce peut être un autre animal mais aussi un simple promeneur ou même un tracteur. Ce territoire est le leur et à leur usage exclusif. Prudente, je ne m'aventurerai plus dans le jardin sans être "armée" du rateau à feuilles qui devrait pouvoir me suffire à le repousser si l'oiseau devait revenir me montrer son humeur belliqueuse. Du moins pendant quelques temps :)

Mardi 18 février - En fin de matinée seulement, alors qu'un grand soleil exceptionnel brillait depuis longtemps, je me suis enfin décidée à mettre le nez dehors, la tête basse, n'ayant aucune réelle envie de devoir faire face à notre copain filou. Mes allées et venues du tas de sable à la serre, du point d'eau au bac à cailloux, m'ont vue munie systématiquement du rateau à feuilles (celui en forme d'éventail) mais sans stratégie réelle bien que vraiment préoccupée par la possible survenue du bel oiseau. Voyons ... s'il arrive en volant il poussera son rauque et tonitruant "Hock Hock". Mais il est plus propable qu'il descende le talus en marchant, silencieux. C'est ainsi que cela s'est finalement passé, en milieu d'après-midi : il descendait tranquillement le potager, venant vers moi. J'ai su qu'il allait d'abord attendre que je lui donne quelque nourriture et qu'ensuite seulement il me présenterait ses éperons et son bec en voletant à mes pieds. Aucune envie d'attendre le déroulement de cette deuxième phase. Je me suis précipitée vers lui, rateau en avant, en poussant mes plus puissants "va-t'en ! va-t'en !". D'abord un peu décontenancé, il a quand même décidé de passer outre, filant de biais vers moi. Mais quelques poussées du rateau, en plus de mes cris forts et rauques - ah moi aussi, je peux ... - l'ont très vite incité à se débiner, à remonter l'allée du potager, à regrimper en haut du talus servant de haie séparative. A pied mais d'un pas pressé (très pressé) et en silence, jetant un regard furtif derrière lui, il est parti sans demander son reste, disparaissant de ma vue sans que j'ai à le poursuivre plus loin qu'un tiers de la longueur du potager. J'espère maintenant qu'il ne reviendra plus, si beau soit-il ... Ses jolis plumets verts derrière les oreilles, pour aussi séduisant qu'ils le rendent, ne lui autorisent pas tout. Non mais ! ... :)